Passer au contenu

Rencontre avec Agathe YOU

Chaleureuse et mystérieuse, Agathe Gizardin-Bertin, alias Agathe YOU, imagine et réalise à la main des sculptures textiles, des toiles et des bijoux brodés, en parallèle avec son activité de brodeuse pour la haute couture. La créatrice est membre depuis 2017 des Ateliers d’Art de France. Son univers créatif se distingue par sa poésie et son goût pour l’étrange. Elle s’interesse des figures parfois rebutantes, comme les insectes et les organes, qu’elle prend plaisir à transformer en objets précieux.

D’où vous vient ce goût pour la broderie ?

Je suis graphiste de formation, mais j’ai toujours touché à tout. Je fais des dessins, de la couture, et du « bricolage » depuis l’enfance et la décoration m’a toujours intéressée. Mes premiers souvenirs liés à la broderie remontent à une fresque collective réalisée en maternelle ou primaire : une tapisserie composée de dessins d’enfants, dont le mien, et qui, chose assez incroyable, était un papillon ! Chaque fois que j’y repense, me revient ce sentiment de bonheur et de fierté de l’avoir réalisé. Bien plus tard, alors que j’étais graphiste, un ami qui démarrait son atelier de broderie et avait remarqué que je me débrouillais bien en couture, m’a proposé de travailler avec lui. J’ai commencé par faire de l’impression textile, du peint main sur tissus. J’ai appris la broderie sur le tas avec lui, petit à petit, et je me suis rendu compte que j’adorais ça. C’est un peu comme de la peinture, mais une peinture « propre ». Avec du fil et des perles, on peut créer de la couleur, mais aussi du volume. Et le geste est assez hypnotique. Cet aspect méditatif m’a tout de suite plu dans cette technique ! Je continue à exercer régulièrement en free-lance dans l’atelier de broderie haute couture Jean-Pierre Ollier, maintenant renommé.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

Je ne me voyais pas faire autre chose qu’un métier créatif. Je suis très malheureuse si je ne fais rien de mes mains ou si je ne laisse pas une trace visuelle de ma journée. J’ai connu une période professionnelle sans création, et c’était terriblement frustrant. Après des études littéraires et une année de prépa de dessin, j’ai été reçue à l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Paris. J’ai travaillé quelques années comme graphiste indépendante, avec notamment un designer industriel, puis j’ai rencontré la broderie …

Quel a été votre point de départ avec l’art et l’artisanat d’art ?

Mes parents n’étaient pas dans ce domaine. Ma mère était professeur d’anglais et mon père, militaire dans l’armée de l’air, mais il dessinait -très bien- à ses heures perdues. Chez mes grands-parents, il y avait des portraits magnifiques qu’il avait réalisés. Quand j’étais enfant, dessiner avec lui le dimanche était un moment privilégié. Dans les années 70, il avait même un four à émaux et fabriquait des bijoux. Quant à ma grand-mère, elle récupérait tout, elle avait ce bon sens paysan de ne jamais rien jeter, de tout réutiliser. J’ai toujours été encouragée dans la voie créative par mes proches.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Les cabinets de curiosités du XIX, les planches anatomiques et naturalistes, l’imagerie religieuse ou ésotérique et les gravures anciennes sont mes principales sources d’inspiration. Il y a une similitude entre le trait de la gravure et le lancer de fil de la broderie. J’adore les cartes du ciel, les gravures en noir et blanc, elles m’émeuvent. Au niveau des couleurs, ce sont les photochromes qui m’inspirent, ces photos en noir et blanc recolorisées à la main, où des tons descendus se mêlent aux gris. J’aime énormément cette palette.

Votre bestiaire met à l’honneur les insectes, pourquoi ?

Le cabinet de curiosités est vraiment ma source d’inspiration. J’ai commencé mes broderies avec un cœur anatomique. Je trouvais cela fascinant, mystérieux, insolite. Les insectes sont souvent représentés dans les cabinets de curiosités. J’ai voulu travailler des sujets qui, à première vue, ne sont pas très décoratifs. Je trouvais intéressant de représenter des insectes que l’on juge habituellement rebutants, comme ceux avec des pattes, et d’en faire quelque chose de scintillant, poétique. J’ai commencé par le scarabée, symbole de vie et de soleil depuis l’Égypte ancienne. Il se prêtait parfaitement à la broderie. Ensuite, j’ai réalisé une mouche, puis une cigale, un clin d'œil à celles en faïence que l’on trouve dans les maisons provençales, comme celle de ma famille avignonnaise.

Comment sélectionnez-vous vos perles, fils et tissus ?

Mes créations sont essentiellement des pièces uniques ou de très petites séries. Je sélectionne mes fournitures sur mesure et localement. J’essaie d’adopter une démarche écoresponsable en chinant mes tissus, parfois des ceintures obi japonaises. J’achète aussi dans des boutiques parisiennes au cas par cas. Mes créations reposent souvent sur des fournitures dorées. Pour moi, le doré est une couleur classique qui donne un côté bijou. Il évoque les étoiles des églises, les décors de théâtre, toute l’imagerie qui m’inspire. C’est une « couleur-matière » fédératrice.

Rêvez-vous de vos créations ?

Non, je ne crois pas. Mais il m’arrive d’avoir des idées avant de m’endormir, dans cet état entre l’éveil et le sommeil, où les idées fusent parfois. Pour ne pas les oublier, je jette un livre au pied du lit, comme un rappel pour le lendemain.

Comment avez-vous procédé pour cette collaboration ?

J’ai été très flattée d’être contactée pour créer ce bijou textile. Et quand j’ai su qu’il s’agissait d’un papillon, je me suis dit que c’était un motif que je n’avais encore jamais réalisé pour ma marque Agathe YOU. C’est un insecte que je trouvais trop évident en décoration, et je n’avais jamais eu envie de le broder. Mais sachant que le papillon est l’embleme de la marque Hanae Mori, ce sujet a pris un sens. J’ ai alors fait des recherches sur les motifs de papillons utilisés par la créatrice, j’ai étudié des gravures naturalistes afin de déterminer une espèce à représenter graphiquement. J’ai ensuite réalisé plusieurs essais de colorisation en accord avec la charte de Noël – or et rouge – et le parfum Butterfly, aux tons poudrés rose orangé. J’ai travaillé sur des nuances d’or, de rose et de rouge pour créer ce papillon de Noël. Je voulais une broche chic, monumentale mais légère, avec une armature en métal pour détacher les ailes. L’idée était de proposer une broche bijou XXL qui soit également un objet de décoration.

Le papillon est l’emblème de la marque haute couture et des parfums Hanae Mori. Qu’avez-vous ressenti en réalisant cette pièce unique ?

Pour moi, qui travaille pour la Haute Couture, c’était un fabuleux clin d'œil. Un fil tendu entre la créatrice Hanae Mori, qui n’est plus là, et mon propre univers. C’est un honneur de réaliser ce papillon de fête, ce bijou brodé Agathe You en hommage à Hanae Mori et à son parcours extraordinaire. Voir ma création à côté de son parfum emblématique, Butterfly, me remplit de joie ! C’est comme une résurgence de mon bonheur d’enfant avec mon papillon brodé …

Agathe YOU

0 Commentaires

Il n'y a pas de commentaires pour cet article. Soyez le premier à laisser un message !

Écrire un commentaire

Veuillez noter que les commentaires doivent être approuvés avant d'être publiés.

1